Lauréat Budget participatif « Ma solution pour le climat ». Dans l’Hérault, des jeunes en mission scientifique sur un voilier
Initié par un groupe d’étudiants à la fin de leur master, l’objectif du projet Med Connect était de sensibiliser des jeunes gens d’Occitanie vivant en foyer aux problématiques environnementales, en les emmenant en expédition scientifique sur un bateau en Méditerranée.
Marylou Tournayre raconte avec enthousiasme la
genèse du projet Med Connect. Elle et les autres membres de l’équipe se sont
rencontrés alors qu’ils étaient étudiants en master ingénierie écologique et
gestion de la biodiversité (IEGB) à Montpellier. « On discutait
beaucoup, on fourmillait d’idées, on voulait monter des projets. On a décidé de
relancer l’association The Lost Compass, fondée en 2013 par Mathieu et Justine
quand ils étaient lycéens pour faire de la sensibilisation à la nature. »
The Lost Compass signifie la boussole perdue, « pour faire passer le
message que selon nous, la société actuelle ne prend pas la bonne
direction », précise la jeune femme.
La volonté de ces étudiants : aller chercher des publics oubliés pour leur faire découvrir de façon pro-active les sciences de l’environnement et les amener à prendre conscience de l’urgence écologique. « Nous avions remarqué que l’éducation à l’environnement s’adresse souvent à des personnes qui sont déjà sensibilisées à ces questions, explique Marylou. Nous voulions aller vers un public qui est rarement ciblé par ces actions. Nous avons pensé aux jeunes en foyer parce que le frère d’un des membres de l’association est éducateur spécialisé et qu’il connaît bien ces institutions. »
L’âge des possibles
La tranche d’âge était également importante. Au final, les jeunes qui sont venus sur le bateau avaient en moyenne entre 14 et 18 ans. « C’est le moment où on réfléchit à ce qu’on a envie de faire dans la vie », justifie Marylou. « Or, on n’entend pas parler des métiers de l’écologie avant la fac ou éventuellement au lycée, mais seulement en spécialité scientifique. Notre idée était d’amener ces jeunes sur le bateau, leur faire découvrir les métiers de l’écologie scientifique, la biodiversité marine, le fonctionnement d’une expédition, bref leur ouvrir aussi de nouvelles possibilités. »
Pas question pour Marylou et ses camarades d’aller faire des conférences devant des jeunes sagement assis à les écouter. Ils veulent les impliquer totalement dans une expérience, d’autant que certains, vivant en foyer à l’intérieur des terres, connaissent mal la Méditerranée. Le bateau est la solution idéale en termes de logistique : il permet de partir pour une expédition de plusieurs jours, de loger tout un groupe, de se déplacer d’un lieu à l’autre avec un impact carbone réduit, de transporter le matériel pour les missions.
La bande d’étudiants planche sérieusement sur le projet et en fait le chiffrage.
Tenter le tout pour le tout
« C’était un gros budget, nous étions sept étudiants juste diplômés, nous ne savions pas par quels moyens obtenir un financement », se souvient la chargée de communication (bénévole) de l’association. Lorsqu’ils découvrent les budgets participatifs de la Région, ils se lancent. « On a tout donné pour rassembler des votes en sollicitant les étudiants de l’Université de Montpellier : c’était notre réseau. » Très motivés, Marylou et les autres vont mener campagne à la faculté de sciences. Ils demandent aux professeurs qu’ils connaissent l’autorisation de présenter leur projet avant les cours en amphi. « À chaque fois, on a pitché le projet devant plusieurs centaines d’étudiants. On avait l’impression de participer au fameux challenge « Ma thèse en 180 secondes. Ça représente un vrai investissement, surtout de la part de personnes qui n’ont jamais fait ça. La première fois que j’ai dû parler devant 200 étudiants, j’avoue que je n’en menais pas large. »
L’effort se révélera payant puisqu’ils obtiennent près de 1500 votes et le financement espéré, qui servira principalement à acheter un catamaran d’occasion et à le remettre à niveau.
Des jeunes volontaires pour participer
Plusieurs Maisons d’Enfance à Caractère Social (MECS) ont adhéré au projet, qui a dû être reporté à l’été 2022 en raison du Covid. Six missions de quatre jours ont été organisées, une expédition par structure, avec des groupes de quatre à cinq jeunes au maximum. Accompagnés par un éducateur, ils sont venus du Vigan, Aujargues, Sète, Carcassonne, Angoustrine et Lavelanet. « Nous avons eu des profils différents, relate Marylou. L’un des foyers n’accueille que des jeunes migrants, mineurs non accompagnés. On a aussi reçu des jeunes de l’aide sociale à l’enfance qui ont des difficultés familiales et sont placés par le Département. Et également des jeunes hébergés par l’association Le Refuge, qui accueille des jeunes LGBT+ en rupture familiale. »
Comme prévu, les expéditions avaient un but scientifique, en l’occurrence le comptage de sparidés, des espèces de poissons de la famille des daurades ou des sars. « L’association Septentrion Environnement avait mis en place le protocole », détaille Marylou. Il s’agissait de compter les juvéniles, les bébés poissons qui mesurent entre 0 et 85 millimètres et se trouvent dans les petits fonds hétérogènes, des fonds de sable et de roches de moins de deux mètres de profondeur. L’objectif étant d’étudier à quel point ces fonds sont des lieux favorables pour la nurserie, donc les naissances de ces espèces.
Une formation adaptée
Plusieurs temps de formation étaient prévus avant que les jeunes ne se jettent à l’eau : d’abord apprendre à nager avec palmes, masque et tuba, puis identifier les poissons à compter et les espèces avec lesquelles il ne faut pas les confondre. 32 comptages ont été réalisés, autour de Sète et de la Côte Vermeille, entre Collioure et Cerbère. « L’investissement des jeunes a été assez incroyable », s’exclame la jeune femme. « Beaucoup de préjugés circulent sur les jeunes en foyer : de nombreuses personnes avaient cru bon de nous mettre en garde mais nous étions convaincus que ça se passerait très bien. Et les jeunes ont assuré car nous avons obtenu de supers bons résultats au niveau science, cohérents avec ceux de Septentrion. »
Ces jeunes étaient fiers de vivre cette expérience. Certains ont réfléchi à leur avenir professionnel différemment, notamment une jeune fille qui voulait travailler dans le milieu de la pêche et souhaite désormais devenir capitaine sur des bateaux scientifiques. Cette jeune de 18 ans est d’ailleurs revenue, cette fois en tant que bénévole de l’association, pour la 2ème édition qui s’est déroulée en PACA à l’été 2023.
« C’était très touchant, avoue Marylou Tournayre, de voir ces jeunes qui nous confiaient au départ n’avoir pas confiance en eux, être finalement heureux de réussir cette mission. Nous voulions montrer que si on leur donne l’opportunité, avec un bon accompagnement, ils en sont capables. L’un de nos objectifs est de prouver que la science est accessible à tout le monde. »
Les clichés de la première édition de Med’Connect seront exposés à partir du 07 octobre à la Palanquée à Sète.
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Lauréat du budget participatif Climat 2020 en février 2020 pour un montant de 115 460 €