Lauréat Budget participatif : dans le Lot, un défi pour manger local

Avant de passer à table pour déguster le repas locavore
Préparer un repas festif exclusivement avec des produits récoltés dans un rayon de 51 km autour de Saint-Félix dans le Lot, pour moins de dix euros par personne et avec un impact carbone le plus faible possible : c’était le défi lancé par l’association Écolocal. Une aventure culinaire, sociale et pédagogique.
Joël Aubé est fondateur de l’association Écolocal, qui se définit comme un laboratoire citoyen d’innovation territoriale. Il a piloté pendant plus d’un an « Mangeons local et bas carbone ! », un projet s’inspirant des défis lancés par Stéphane Linou, pionnier du mouvement locavore en France. « Nous avons repris les critères qu’il avait définis, en nous positionnant davantage dans une démarche de projet que de défi, explique Joël Aubé. Il ne s’agissait pas seulement de faire une démonstration, mais de documenter et de permettre aux gens de s’approprier la démarche ». Initialement pensé pour toute l’Occitanie, le projet, lauréat en 2024 des budgets participatifs de la Région, s’est finalement réalisé sur un seul département, le Lot, où habite Stéphane Linou.
Aux côtés de Joël, Marie Anderès, ingénieure agro-alimentaire et diététicienne-nutritionniste, et Clémentine Renault, cheffe cuisinière et créatrice de Cap’Eco, premier espace de coworking culinaire à Toulouse, ont accompagné les participants tout au long de l’expérience. « Clémentine a une double compétence, la créativité culinaire et la maîtrise des techniques diététiques, ce qui était essentiel pour à la fois satisfaire le goût et respecter l’équilibre nutritionnel », ajoute M. Aubé.
Jouer et gagner
Deux candidats se sont engagés à réaliser ce repas singulier : la cantine scolaire de Saint-Félix avec sa cantinière Florence Marion, et la famille Jacquet, résidant à Corn, dont les quatre membres suivent des régimes alimentaires variés (un végétarien, un végétalien et deux flexitariens). « C’était passionnant car cela obligeait la mère de famille à s’adapter à des attentes différentes, et à prouver qu’avec du local, on peut satisfaire tout le monde. »
La règle du jeu était stricte : utiliser seulement des produits issus d’un rayon de 51 km – par conséquent ni sucre ni sel -, et une légumineuse obligatoire, à savoir des lentilles. « Dans le Lot, il ne reste quasiment plus de producteurs de lentilles, se désole Joël. On en a trouvé un seul, à 50,8 km. In extremis ! »
La cantinière a eu le réflexe de recenser d’abord les produits locaux disponibles avant d’élaborer son menu. Elle a identifié maraîchers, éleveurs, apiculteurs. Mais certaines contraintes se sont révélées plus compliquées que d’autres. « Comment remplacer le sel ? Pour Mme Marion, c’était inconcevable de cuisiner sans, elle a donc ajouté de la poitrine salée dans ses lentilles. La mère de famille, elle, a relevé ses plats avec des herbes aromatiques. On a vu en direct comment les habitudes alimentaires peuvent résister… ou se transformer. »
Le grand jour
Le 20 juin 2025 a eu lieu le moment de vérité. À Saint-Félix, 40 enfants et 35 adultes (élus, habitants, enseignants et producteurs) se sont attablés pour déguster le menu locavore imaginé par la cantinière : tarte aux légumes, lentilles aux lardons et œufs, dessert fruité. « J’ai découvert l’œuf parfait préparé par Mme Marion, se souvient avec gourmandise le pilote du projet. Tout était excellent, de l’entrée au dessert. Même les enfants se sont régalés, certains n’ont pas fini leur dessert tant ils étaient repus ».
Du côté de la famille de Corn, le menu (gaspacho, poke bowl aux lentilles, génoise aux fraises) a aussi fait l’unanimité : un repas savoureux pour un prix de revient de moins de 9 € par personne. « Pour les enfants de la cantine, on est à 2,33 € par repas, précise Joël Aubé. C’est remarquable. Les objectifs budgétaires et gustatifs sont atteints. Globalement, c’est une réussite. »
Un prolongement pour demain ?
Le projet a montré que cuisiner localement est possible, mais cela reste contraignant et demande du temps. L’approvisionnement est le nerf de la guerre. « Pour que ça marche, il faut structurer des bassins de production, recréer des filières, notamment de légumineuses qui sont des aliments bas carbone et d’une grande qualité nutritionnelle, soutenir les producteurs. »
Manger local, c’est aussi découvrir son territoire et renforcer le lien entre agriculteurs et consommateurs. « L’alimentation, ce n’est pas que de la nutrition. C’est du récit, de l’imaginaire, de la convivialité. C’est en partageant des expériences comme celles-ci et en les dupliquant qu’on changera les habitudes. »
L’association souhaite valoriser cette expérience à travers une vidéo, un rapport, des conférences et espère qu’une réflexion collective s’engage dans le cadre du Plan alimentaire territorial (PAT) du Grand Figeac. « Ce projet sert à s’interroger. Quelles cultures voulons-nous développer ? Quelle part doit jouer la politique publique ? Ce sont des questions cruciales pour l’avenir de nos territoires ».
Pour découvrir le projet lauréat :
Lauréat du budget participatif Vos solutions pour le climat et l’alimentation en février 2024 pour un montant de 15 000 €