Récit – La session 1 de la Convention Citoyenne pour l’Occitanie (24–26/09/2020)

La La Région Occitanie, dans Citoyenneté et démocratie, le 14 septembre 2020 0 commentaire

CCO_J3_1_MP.JPG

Récit par un observateur attentif – Toulouse, le 16 septembre 2020

 

La séance d’ouverture

Carole Delga, Présidente de la Région Occitanie, empêchée, a été représentée par Gérard Onesta pour ouvrir la convention.

Il est le président du bureau de l’Assemblée et a participé, à ce titre, à la conception de la Convention Citoyenne pour l’Occitanie.

  • 1° raison de la convention : Seule la proximité permet de fonctionner dans une société démocratique.
  • 2° raison : après Occitanie 2040, des plans d’urgence et de relance post-COVID-19, les élus régionaux vont voter un plan de transformation et de développement, un « Green New Deal » régional en novembre 2020.

Les membres de la convention, citoyens tirés au sort, sont invités à contribuer à la rédaction de ce plan de relance verte, plus durable et plus juste.

Une votation citoyenne sera organisée en octobre pour soumettre à l’avis de l’ensemble des habitants de la région Occitanie, les préconisations de la Convention Citoyenne pour l’Occitanie.

Le résultat de ce processus sera présenté à l’Assemblée Plénière du Conseil Régional en novembre qui aura pour tâche d’en prendre compte dans le plan de transformation et de développement régional.

Les premières mesures concrètes de ce plan seront actées lors du vote du budget 2021 en décembre 2020.

 

Mission Acceptée

Le premier jour, un atelier était consacré à la réaction des membres de la convention sur le mandat qui leur était donné.

La réponse à la question : « ce que vous comprenez du mandat ? » l’indique clairement : les citoyens ont compris !

  • Ils vont aider la Région à avoir « une vision pratico-pratique » sur « ce qu’on peut envisager concrètement ».
  • Ils vont faire remonter les réalités locales et repartir de leurs expériences.
  • Ils sont convaincus qu’il faille trouver « un nouvel équilibre » avec les contraintes climatiques et économiques.
  • Ils vont participer à la réflexion pour développer « une région pour les citoyens et par les citoyens » ; le savoir ne suffit pas, il faut aussi savoir faire et faire savoir, et ça ne peut pas se faire sans associer tout le monde.

Pour qu’il porte ses fruits, il faut que les membres sachent « convaincre un voisin pour aller de l’avant sur différents sujets ». Pour cela un autre énonce « qu’on pourra peut être recentrer » pour être plus percutant. Enfin un dernier voit dans ce mandat l’opportunité de créer de la cohésion sur le nouveau périmètre de cette grande région, ce qui est également vrai, notamment dans un égal souci d’attention à tous les territoires, urbains, péri-urbains et ruraux.

 

 

Bernard REBER,  philosophe-compagnon de la convention citoyenne

Mais que vient faire un philosophe dans une convention citoyenne ? Replacer les choses dans leur contexte.

Tout au long de cette première session, les membres de la convention ont bénéficié des paroles amicales de Bernard Reber, qui a tenté de donner des clés de compréhension sur l’exercice auquel ils étaient en train de se livrer. Un retour à chaud sur chaque étape dans la progression, y compris en expliquant les insatisfactions qu’elles pouvaient générer, voire même les frustrations. Ca a permis au groupe de prendre du recul, avant de se remettre à l’ouvrage.

Mais ce qui a marqué les esprits, c’est sa « leçon inaugurale », l’intervention qu’il a réalisé avant que les ateliers ne débutent.

Son argumentation peut se résumer en 3 phrases clés.

« Vous allez faire quelque chose qui vous est propre,  quelque chose de très singulier. »

Grâce au tirage au sort, les membres de la convention représentent la diversité du territoire. Et c’est la force de la convention, à la condition que chacun reste sincère avec lui-même, et que la découverte de la région en général (ses caractéristiques géographiques, économiques, sociales) et du Conseil régional en particulier (son rôle, son pouvoir d’agir) ne le pousse pas à renier ce qu’il  est : « Dites ce que vous pensez, dites jusqu’au bout ce que vous pensez avec respect mais jusqu’au bout, parce que vouloir faire semblant d’être citoyen d’Occitanie en reniant ce que vous êtes, ce serait du temps perdu. » Et c’est grâce à cette diversité que le résultat de la convention sera unique : un avis éclairé de citoyens qui auront su rester eux mêmes mais auront débattu et délibéré pour le produire.

« Écoutez l’autre comme vous souhaiteriez être écouté, c’est le principe du souci égal de considération. »

Une fois qu’on a soulevé ce besoin de délibérer, il faut en organiser les modalités.

Bernard Reber est revenu sur la question de l’argumentation : « Argumenter ça veut dire juger dans un premier temps « je pense quelque chose sur tel ou telle chose », dans un deuxième temps, on suspend son jugement pour écouter les autres et dans un troisième temps, on endosse la responsabilité de ce qu’on pense réellement. C’est ce qu’on pourrait appeler un jugement tout bien considéré. »

Pour y arriver, il donne deux règles : s’entraider dans le dialogue pour permettre de préciser sa pensée dans le débat, et lorsqu’il existe un désaccord, non seulement l’exprimer, mais aussi l’expliquer : « Aller jusqu’à dire pourquoi vous n’êtes pas d’accord car c’est ce qui manque très souvent ». Ce n’est pas manquer de respect que de le faire, bien au contraire.

« Même si vous n’êtes pas élu, vous n’êtes pas tout à fait sans responsabilité puisque que vous avez un mandat. »

Le philosophe a choisi de définir le rôle des membres de la convention d’abord en exprimant ce qu’ils ne sont pas : ni un jury, dont le rôle est de trancher ni des élus qui doivent s’extraire de ce qu’ils sont pour décider.

Puis il a précisé : « après ces deux-trois week-end, vous ne serez plus tout à fait les mêmes qu’au début. Vous serez plus outillés que les autres citoyens » et grâce à leur délibération, les citoyens arriveront à trouver des compromis et constater des désaccords, qui en tant que tels, sont un résultat valable : « si après une discussion, en écoutant les autres, vous êtes capables de dire : sur ce point-là, on n’est pas d’accord, c’est déjà énorme d’avoir un désaccord délibératif. »

Espérons qu’il existera tout de même quelques idées qui feront l’unanimité !

 

 

Le contexte sanitaire incontournable

Masques sur tous les visages, gels utilisés systématiquement à chaque toucher d’objet, lingettes sur les tables, sens de circulation, plateaux repas individuels pour éviter tout contact d’un tiers sur les aliments, vitres ouvertes en permanence… le protocole santé était particulièrement strict pendant cette première session de convention, et tous les participants ont fait preuve de responsabilité et de respect des mesures barrières.

La crise sanitaire n’était donc pas seulement dans les sujets du débat, elle était omniprésente : micros qu’on ne passe pas à l’orateur suivant avant une comlère désinfection, photos de tables à chaque début d’atelier pour la traçabilité des voisins en cas de déclaration de la maladie, photo de groupe tous masqués.

Le masque s’est révélé au départ comme une barrière aux discussions (on entend un peu moins bien, on ne peut pas lire sur les lèvres, ni se fier aux expressions faciales), puis tout le monde a réussi à surmonter sa présence. Le déclic est venu grâce aux rencontres avec les agents de la Région Occitanie, qui se déroulaient à l’extérieur du bâtiment. Le jeu direct des questions-réponses a permis d’oublier la distance que peut créer le port du masque.

Au retour de cet exercice, le changement était palpable, et le rythme était pris par les membres de la convention, qui ont appliqué scrupuleusement le protocole sanitaire.

 

 

Que deviennent les propositions de la 1re session ?

La liste des propositions réalisées par les membres de la convention a été distribuée à chacun le samedi après-midi juste avant la clôture de la première session de la convention.

Dès le lundi suivant, les services du conseil régional va recenser les propositions qui concernent des sujets sur lesquels la Région propose déjà lui même des solutions, celles qui concernent ses compétences, et celles où elle dispose d’un pouvoir d’agir autre que le financement. Vont être également étudiées les propositions où la Région ne dispose d’aucun pouvoir d’agir mais qui pourront être transmises aux autorités concernées si la convention le souhaite.

Il y a ensuite plusieurs autres classements possible pour aider à la délibération des citoyens de la convention.

  • Classer d’un côté les propositions qui font l’unanimité, et de l’autre celles qui nécessitent un débat. Au moment du travail sur les propositions, des désaccords ont pu voir le jour, il faut en tenir compte et imaginer des traitements différenciés.
  • Classer les propositions qui seraient valables pour toutes les Régions, et celles qui sont particulièrement adaptées à l’Occitanie. Par exemple il existe de nombreuses propositions autour de la question du maintien des terrains agricoles aujourd’hui limités par les habitations, elles correspondent aux enjeux spécifiques d’une région qui gagne 50 000 habitants par an.
  • Classer les propositions en fonction de la capacité à les mettre en oeuvre rapidement ou non. Certaines peuvent être mise en oeuvre vite sous 1 à 3 ans, d’autres sont pour le moyen ou le long terme.

Ce travail devrait permettre de faire des premiers tris dès le début de la 2e session et d’inscrire des priorités de traitement.

 

 

De la difficulté de ressentir leur légitimité par les membres de la convention

Bernard Reber l’a évoqué le premier matin, l’assemblée de la convention est parfaitement légitime à donner un avis citoyen. Pourtant, il y a eu plusieurs prises de parole des membres de la convention pour l’interroger, cette légitimité. Il faut dire que ce n’est pas si simple de comprendre ce qui la fonde.

En premier lieu, ce qui fonde la légitimité de la convention, c’est que ses membres ont été tirés au sort sur la base d’un certain nombre de critères (géographiques, de genre, d’âge, etc…). L’assemblée réprésente la diversité des profils de la région : elle est une photo qui ressemble aux habitants d’Occitanie. Egalement, sa légitimité vient de plusieurs autres critères :

  • Elle vient du sérieux de son travail : lors de cette première session, et pendant la deuxième, les membres de la convention « bachotent » pour découvrir la région, ses atouts, ses faiblesses aussi, les enjeux auxquels elle est confrontée, etc. Les opinions qu’ils seront amenés à émettre seront donc des opinions éclairées, émises en connaissance de cause.
  • Elle vient également d’une caractéristique volontaire du mandat : à aucun moment il ne leur est demandé de devenir des experts, ils demeurent des citoyens.
  • Enfin elle vient de la méthode qui est employée et de la posture qui leur est demandée : soyez vous-mêmes, dites ce que vous pensez, partez de votre expérience concrète et de vos opinions et confrontez le tout aux autres.

La légitimité dépasse largement une simple représentativité, elle vient de la capacité qui est offerte à délibérer et à produire un avis en intelligence collective. Quel qu’il soit, il constituera la photographie la plus fidèle jamais réalisée de l’opinion publique d’Ooccitanie, celle des citoyens et pas seulement celles des corps intermédiaires.

L’enjeu économique, l’enjeu climatique, la crise sanitaire, la concertation menée pour Occitanie 2040, tout concoure à ce que ce travail soit pris au sérieux pour produire des solutions efficaces et concrètes.

« Bousculez vous, bousculez nous ! »