Quand des inconnus réconcilient débats et lien social

La La Région Occitanie, dans Citoyenneté et démocratie, le 8 janvier 2025

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A Montpellier, Lisa et Djivann, appairés par l’algorithme, se sont retrouvés au social bar pour échanger sur des sujets pour lesquels ils n’avaient pas forcément le même avis.



Et si débattre avec une personne en désaccord devenait une aventure enrichissante ? Opération « Faut qu’on parle » : bilan de la 1ère édition qui réconcilie débats et liens humains.


Fin novembre 2024, partout en France, et notamment en Occitanie, plus de 6000 personnes étaient inscrits pour vivre une aventure de moins en moins banale : discuter, en vrai, pendant une heure ou deux, avec une personne inconnue, qui a des opinions différentes, voire opposées.
La Région citoyenne avait valorisé cette initiative qui permet de tisser du lien, de favoriser la rencontre, la discussion, le débat d’idée, l’écoute et la tolérance, ingrédients favorables au faire ensemble et au vivre ensemble.

C’était la première édition en France de l’opération « Faut qu’on parle », lancée par les médias Brut et La Croix, avec le soutien du fonds Bayard-Agir pour une société du lien.
L’initiative a été conçue par l’ONG My Country Talks et s’est déjà déployée dans une centaine de pays.

Pourquoi une telle initiative ?


Dans une société où les débats se mènent de plus en plus sur les réseaux sociaux, souvent dans des espaces polarisés, « Faut qu’on parle » s’est donné pour mission de recréer des échanges authentiques. Ici, pas de commentaires anonymes, mais des rencontres en face-à-face, où chacun est invité à écouter avant de répondre. Ce cadre favorise l’écoute active et le dialogue constructif, deux ingrédients essentiels pour renouer avec l’idée d’un « vivre ensemble » apaisé.

Le projet s’appuie sur un algorithme pour appairer les participants selon deux critères :
1. La proximité géographique (un rayon de moins de 40 km pour l’édition française).
2. La divergence des réponses à neuf questions clivantes lors de l’inscription.

Cette méthode garantit la diversité des points de vue et facilite la concrétisation des rencontres.

Un public jeune et féminin


L’analyse de cette première édition, menée par le sociologue Guillaume Caline, met en lumière plusieurs enseignements :
Une diversité géographique : Si des participants étaient présents dans toute la France, l’Île-de-France a rassemblé 39 % des inscrits, soit deux fois son poids démographique. En Occitanie, 434 participants ont rejoint l’opération, témoignant d’une mobilisation locale significative.

Un public jeune et féminin : Avec un âge médian de 46 ans, les participants sont légèrement plus jeunes que la population adulte française (49 ans). EN Occitanie, cependant, la part des plus de 65 ans est importante, représentant 22% des inscrits dans la région, contre 15% sur le panel français.
Les femmes, souvent sous-représentées dans les espaces de débat public, constituaient 56 % des inscrits (57 % en Occitanie). Cette dynamique tranche avec d’autres pays, où les hommes sont largement majoritaires (de 70 à 80 %) dans ce type d’initiatives.

Des avis tranchés et peu opposés


Les réponses aux neuf questions clivantes font apparaître des taux d’approbation ou de désapprobation très majoritaires (+ de 75 % de « oui » ou à l’inverse moins de 25 %). Par exemple, les inscrits sont 83 % à se déclarer favorables au rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), 90 % à considérer que le mouvement #MeToo a un impact positif sur la société, ou encore 78 % à s’opposer au durcissement de l’accès aux prestations sociales pour les étrangers.

Cependant, sur des sujets comme la semaine de 4 jours ou la limitation de vitesse des voitures pour lutter contre le changement climatique, des divergences subsistent, soulignant l’importance de ces débats dans la construction d’un consensus social.

Une fracture avec l’opinion publique ?


Fait notable, les réponses des participants diffèrent parfois fortement de celles des Français en général.
Par exemple :
– 74 % des participants soutiennent la limitation de vitesse des voitures, contre seulement un quart à un tiers des Français.
– L’armement des policiers municipaux, approuvé par 66 % des Français, est rejeté à 75 % par les participants.

Ces écarts soulignent l’importance de la composition démographique des participants et de leur localisation.

Les bénéfices de l’initiative


Au-delà des débats, les témoignages montrent que ces rencontres ont souvent permis d’établir un dialogue authentique. Beaucoup ont commencé par échanger sur leurs parcours personnels avant d’aborder les désaccords. Cette démarche illustre une vérité fondamentale : avant de discuter des idées, il est essentiel de comprendre la personne derrière les opinions.

Une perspective pour l’avenir


Face au succès de cette première édition, les organisateurs prévoient une deuxième édition en 2025, avec l’ambition de mobiliser encore plus de participants. Cette initiative éducative ne se contente pas de favoriser le dialogue : elle offre une méthode pour mieux débattre, en s’écoutant et en apprenant à argumenter de manière constructive.

Dans une époque marquée par la polarisation, des initiatives comme « Faut qu’on parle » rappellent que la communication reste la clé pour surmonter les divergences et bâtir une société plus solidaire.