Lauréat du budget participatif Occitanie ouverte sur le monde : des migrants racontent leurs vies
À Toulouse, l’association AVEC (Actions pour Vaincre l’Exclusion de Citoyens) lutte contre les discriminations subies par les personnes migrantes et réfugiées. Pour combattre les préjugés, elle organise des rencontres où des habitantes et habitants viennent écouter des récits de vie de personnes exilées, directement racontés par elles-mêmes.
Imaginez qu’au lieu de vous plonger dans un livre témoignage qui retranscrit le vécu d’une personne migrante, celle-ci vous raconte son histoire en chair et en os, assise en face de vous : c’est le principe de la bibliothèque vivante. Ce concept, créé au Danemark dans les années 2000, est connu dans le monde sous le nom anglais de « Human Library ». Il consiste à favoriser des rencontres avec des personnes ayant une histoire de migration, afin de réinjecter une dimension personnelle dans un sujet qui n’est souvent abordé que sous forme de statistiques et qui donne lieu à de nombreux a priori.
« On part du postulat qu’on a tous des choses à apprendre les uns des autres », explique Sarah Barrière, l’une des deux co-fondatrices de l’association et coordinatrice de projets. « C'est une façon de valoriser ces parcours, de créer des échanges à partir des expériences de vie de personnes très différentes. Cela permet de discuter avec quelqu’un que l’on n’aurait peut-être jamais croisé autrement. »
Œuvrer pour l’inclusion
La création de lien social, l’émancipation individuelle et collective et le vivre ensemble sont les valeurs que veut promouvoir l’association AVEC à travers ses projets culturels et sociaux.
Son projet « L’autre reg’art, luttons contre les préjugés envers les migrants et les réfugiés », lauréat des budgets participatifs en janvier 2021, a été déployé sur trois axes.
La première étape était de trouver les personnes volontaires pour raconter leur histoire. « Nous faisons beaucoup de médiation en amont pour parler du projet, il est primordial de créer une relation de confiance », insiste Sarah. « Lorsque les personnes acceptent, nous avons un temps de discussion souvent très long où elles nous confient un peu toute leur vie. » Un résumé de vie est ensuite rédigé, dans le style d’une 4ème de couverture au dos d’un livre.
Huit hommes et quatre femmes, d’âges et de pays différents – notamment le Laos, l’Albanie, la Côte d’Ivoire, le Maroc ou l’Érythrée – ont été volontaires pour ce projet. « Il y avait des histoires de migration familiale ou économique, des demandeurs d’asile, des réfugiés ayant traversé la Méditerranée sur des embarcations de fortune, des parcours très durs, d’autres un peu moins », se remémore la coordinatrice.
Des ateliers pour les jeunes
La partie pédagogique était un volet important du projet. Onze ateliers artistiques ont été menés avec des jeunes de 7 à 15 ans du quartier populaire d’Empalot à Toulouse, dans l’objectif de mettre en images ces récits de vie de personnes migrantes, et donc de créer de petits films en utilisant différentes techniques : collages, dessin, stop motion, marionnettes, etc. « Les résumés de vie ont été support à réflexion pour parler avec ces jeunes de parcours migratoires, de la vie dans un autre pays… »
Six de ces films (toujours visibles sur la chaîne YouTube de l’association) ont été projetés le 17 juin 2021 à l’occasion de la fête de quartier à la Brique rouge, lieu culturel d’Empalot. Et, pour la Journée mondiale des réfugiés qui a lieu chaque année le 20 juin, l’association a proposé une journée entière de diffusion de contenu sur ses réseaux sociaux avec les films réalisés par les jeunes, mais aussi des présentations d’œuvres artistiques de personnes migrantes ou réfugiées ainsi que des éléments d’information sur les phénomènes migratoires.
Des histoires poignantes
L’aboutissement du projet a été la bibliothèque vivante organisée à la médiathèque Saint-Exupéry du quartier Bagatelle, le 3 juillet 2021. « Plus de 70 lecteurs et lectrices sont venus », se réjouit Sarah Barrière. Une dizaine de tables et des chaises étaient installées, recréant une ambiance de terrasse de café. Chaque visiteur consultait le catalogue des résumés de vie et choisissait avec qui il souhaitait passer 20 minutes, boire un café et discuter en tête-à-tête. « C’est 100 % gratuit, il n’y a pas d’inscription en amont, les gens peuvent venir spontanément », précise la responsable associative. « Ce sont des rencontres éphémères mais il y a un véritable échange, des questions émergent, un dialogue se crée. Cela a beaucoup plus d’impact qu’un reportage à la télévision. Les retours des participants mentionnent souvent l’émotion ressentie. Certains pouvaient avoir des préjugés et ont changé de regard car, en approfondissant la discussion, ils se sont rendu compte que la personne n’avait pas d’autre choix que d’émigrer, que c’était une question de survie et qu’ils auraient sûrement fait pareil. »
Lauréat du budget participatif Occitanie ouverte sur le mondeen janvier 2021 pour un montant de 3000 €