Lauréat budget participatif : en Haute-Garonne, promouvoir l’autonomie des femmes

Des femmes de l’Atelier du Scribe manifestent
À Toulouse, Farida Gourmala, fondatrice de l’association l’Atelier du Scribe, lutte pour les droits et l’autonomie des femmes des quartiers populaires. À 74 ans, cette ancienne enseignante née en Algérie continue à se battre pour plus d’égalité, de sororité et de dignité.
« Aujourd’hui, c’est la liberté. Ça y est, j’ai divorcé ! » Ce cri de joie lancé par une femme venue fêter son divorce avec un faire-part en main résume à lui seul la portée du travail mené depuis 1999 par Farida Gourmala. Cette infatigable militante accompagne depuis plus de vingt-cinq ans des femmes issues des quartiers populaires de Toulouse vers plus d’autonomie.
Partie d’Oran au milieu des années 90, Farida fuit un pays où elle est menacée. « En tant que femme seule et indépendante, j’étais une cible », confie-t-elle. Installée en France avec son fils, elle reprend des études à l’université du Mirail et fonde l’Atelier du Scribe. L’association guide alors les habitants du quartier des Izards dans leurs démarches administratives et les aide à faire valoir leurs droits. Depuis 2017, faute de financements, il n’y a plus de salariés et plus de local mais les actions se poursuivent en lien avec d’autres associations, notamment Karavan et Partage 31. « On mutualise nos forces », explique Farida. Une dynamique qui a permis à l’association de garder le lien grâce à un salon de thé réservé aux femmes le vendredi après-midi, dans le quartier Bordelongue : « C’est là qu’on se réunit, qu’on échange, qu’on construit. »
Apprendre à reprendre le pouvoir
Au cœur de la charte de l’association : l’égalité femmes-hommes, la lutte contre les violences conjugales et contre la pauvreté. Farida et l’association se battent pour les droits de toutes les femmes, surtout celles qui cumulent les vulnérabilités : femmes immigrées, isolées, âgées ou en grande précarité.
« Certaines se voient refuser le renouvellement de leur titre de séjour parce qu’elles ont quitté un mari violent. Elles subissent une double peine. » Un collectif a été créé pour défendre spécifiquement les femmes se retrouvant dans cette situation. L’association organise aussi des ateliers d’écriture, des visites urbaines sur les traces de femmes importantes dans l’histoire de Toulouse, des stands sur les marchés, des actions de sensibilisation aux droits des femmes lors des journées du 8 mars ou du 25 novembre, des expositions.
Grâce au budget participatif obtenu en 2021, l’association a pu programmer deux séjours à Malaga et à Tunis. Ces voyages sont conçus comme des outils d’émancipation. « On veut que les participantes se disent : je peux voyager, je peux m’exprimer, je peux faire des choix par moi-même. Lors de ces séjours, les discussions s’ouvrent sur la vie conjugale, les violences, l’éducation qu’on a reçue, comment on a appris très jeunes à être au service des hommes. C’est ça qu’il faut déconstruire ». Ces déplacements sont aussi l’occasion d’échanger avec des femmes des pays visités sur leurs expériences respectives.
Des transformations visibles
« Le message que nous essayons de faire passer, c’est que les femmes n’ont pas à être toujours en cuisine ou à s’occuper des autres. Et que même après 60 ans, on peut reprendre sa vie en main ». Farida Gourmala constate que ce travail paye. « On ne peut pas effacer des décennies de patriarcat d’un coup. Mais on peut faire bouger les lignes, pas à pas. »
Elle observe des évolutions, en particulier après une séparation. « Certaines femmes, quand elles étaient mariées, restaient en permanence dans leur foyer. Elles ont vécu avec un homme qui les maintenait dans une relation où elles n’avaient pas voix au chapitre. Une fois divorcées, elles ont du mal à reprendre confiance en elle. Mais petit à petit elles s’affirment, prennent la parole, décident ». Parfois, le changement s’opère même si la femme reste en couple. Farida évoque l’exemple d’une femme : « Elle est restée avec son mari parce qu’il est fragilisé par la maladie. Pendant des années, elle a vécu un calvaire avec cet homme très soupçonneux, elle n’osait rien faire parce que son mari lui interdisait tout. Désormais, elle crie haut et fort qu’elle se sent libre, elle sort sans attendre son autorisation ».
La dernière grande mobilisation de l’association a été la participation à la Marche mondiale des femmes à Marseille, en 2024. Ce rassemblement international a réuni des militantes venues de toute l’Europe et du Maghreb, autour d’un slogan : « On marche tant que toutes les femmes ne sont pas libres. »
Lauréat du budget participatif Vos solutions pour une Occitanie ouverte sur le monde en janvier 2021 pour un montant de 3000 €