Lauréat budget participatif : dans l’Hérault, on parraine des lycéennes au Maroc

Abdelaziz Bengaraa entouré de deux membres de l’association
À Montpellier, l’association Cité citoyenne a lancé un projet pour parrainer des jeunes filles vivant dans une région rurale du Maroc, en prenant en charge leurs frais de transport afin qu’elles puissent aller au lycée et en leur fournissant un équipement numérique indispensable à leur réussite scolaire.
Abdelaziz Bengaraa est le responsable des projets de l’association Cité Citoyenne, qui agit depuis vingt ans dans le quartier populaire des Près d’Arènes à Montpellier. Il y assure également deux fois par semaine du soutien scolaire auprès des enfants du quartier. En parallèle de cet engagement bénévole, ce docteur en économie de 60 ans est formateur et travaille dans l’insertion professionnelle. Originaire d’un territoire rural situé entre les villes marocaines de Meknès et Fès, toute sa famille y vit encore ; il connait bien la situation là-bas, notamment la difficulté pour les filles issues d’un milieu modeste de poursuivre leur scolarité.
« C’est un peu mon histoire. Ces filles, j’étais à leur place dans les années 70. J’étais un garçon mais les conditions de vie étaient terribles à l’époque et j’ai eu un coup de chance : le maître d’école nous a parlé d’un concours pour intégrer un lycée à côté de la capitale et j’ai été sélectionné pour étudier dans ce collège-lycée, chez les jésuites. C’était un miracle sur le plan matériel : sans cette opportunité, je n’aurais sûrement jamais fait d’études, mon père paysan n’ayant absolument pas la capacité de les financer. Depuis, j’essaie de rembourser ma dette, de redonner ce que j’ai reçu. »
Des jeunes filles destinées à se marier
Pendant le Covid, le responsable associatif réfléchit à comment aider les jeunes filles de sa région natale, dont le seul moyen d’émancipation est la scolarité. « Lorsqu’elles réussissent le passage au lycée, cela signifie aller en ville, à une vingtaine de kilomètres. Prendre le bus matin et soir représente des frais supplémentaires et dans les familles, les filles ne sont pas prioritaires pour ces dépenses. Dans ces régions rurales et pauvres, la jeune fille est une charge qu’il faut transférer à quelqu’un d’autre, en l’occurrence un mari. Donc les jeunes filles sont plutôt destinées à se marier, à fonder un foyer. » Après le confinement, M. Bengaraa organise tout d’abord l’envoi de l’équivalent d’un caddie de fournitures scolaires dans cette région du Maroc, en partenariat avec le Secours Populaire. Il récupère aussi douze ordinateurs qu’il envoie au collège de son village pour équiper une salle informatique. En surfant sur internet, il tombe par hasard sur les budgets participatifs de la Région, soumet son projet de parrainage qui devient lauréat en avril 2022. Dès la rentrée de septembre 2022, l’association distribue à 29 élèves marocaines des bourses de 50 euros pour payer des abonnements de transport pour se rendre au lycée, fournit des ordinateurs portables à six jeunes filles brillantes ayant plus de 19 de moyenne au collège et les accompagne dans leur parcours scolaire. « L’année dernière, nous avons réussi à placer une de ces jeunes filles dans un lycée d’excellence à côté de Marrakech. Elle rêve de devenir médecin et elle a trouvé une fondation qui pourrait financer ses études de médecine en Angleterre. Elle vient d’une famille très modeste : son père ne possède qu’un âne et une vache. »
Viser la lune
Au-delà du coup de pouce financier, le parrainage se veut non seulement un tremplin vers la réussite mais aussi une ouverture vers le monde, une possibilité d’élargir l’horizon de ces jeunes filles, de leur permettre de se projeter sur des métiers qu’elles pensaient inaccessibles.
« L’environnement familial de ces enfants est très étroit. Chez elles, on ne parle pas de sujets intellectuels, on ne parle pas de politique, les discussions sont limitées aux choses de la vie au quotidien, explique Abdelaziz. Je dis tout le temps aux gamins de viser la lune, comme dans la chanson que ma fille adorait quand elle était petite. Pour moi, c’est un slogan politique. Parce qu’on peut sortir d’un petit patelin où on était destiné à rester toute sa vie. Il suffit que quelqu’un vous tende la main, vous parraine. Et il faut rêver. Le rêve, c’est le point de départ. »
Abdelaziz Bengaraa se rend deux à trois fois par an dans cette région du Maroc, visite les familles des jeunes filles aidées. Il est en contact permanent avec le directeur du collège, avec certains professeurs, il fait le tour des classes. Très impliqué dans sa mission, il compte y consacrer encore plus de temps lorsqu’il prendra sa retraite dans trois ans, en développant ce parrainage. Il cherche à recruter de nouveaux parrains : n’hésitez pas à vous manifester si la démarche vous intéresse.
Lauréat du budget participatif Occitanie ouverte sur le monde en avril 2022 pour un montant de 3000 €