Dans les Hautes-Pyrénées, des logements pour saisonniers

Trois colocataires discutent dans la cuisine partagée
À Jézeau, village de cent habitants à 800 mètres d’altitude, à la croisée des vallées d’Aure et du Louron, une ancienne colonie de vacances a été réhabilitée grâce à l’énergie d’un collectif très motivé. Une partie a été transformée en logements pour travailleurs saisonniers.
Que faire d’une ancienne colonie de vacances implantée en 1936 dans un cadre enchanteur et abandonnée après quelques décennies de bons et loyaux services ? Un espace de travail pour des porteurs de projet indépendants, un tiers-lieu associatif et un toit pour des travailleurs saisonniers qui galèrent pour se loger dans le coin, ont répondu des habitantes et habitants qui se sont regroupés pour racheter le bâtiment de 2500 mètres carrés appartenant au Conseil général des Landes.
« La configuration des lieux était idéale pour de l’hébergement de saisonniers. C’était un projet socialement utile pour le territoire et relativement simple à réaliser », raconte Nicolas Buyse, l’un des administrateurs bénévoles de l’association la Soulane, créée en 2016 avec la mission de réhabiliter l’imposante bâtisse.
Il est aussi co-gérant bénévole de la société civile immobilière (SCI) à but non lucratif constituée à l’initiative de l’association pour signer l’acte de vente en 2019. « On a mis trois ans à monter le dossier d’acquisition ; il a fallu créer une SCI pour que les banquiers aient davantage confiance et que les notaires soient moins perdus », plaisante Nicolas. Cette société immobilière a vocation à disparaître pour passer le flambeau à l’association lorsque tous les prêts auront été remboursés.
Des bénévoles et de l’huile de coude
La subvention obtenue fin 2019 grâce aux budgets participatifs de la Région a permis d’acheter des matériaux – notamment d’isolation thermique et phonique – pour réhabiliter huit chambres de 17 mètres carrés. La main d’œuvre ? Des membres de l’association qui compte 150 adhérents et une bonne trentaine de bénévoles actifs. « C’est grâce à eux qu’on a pu réaliser ces huit chambres pour 80 000 €. Sans leur engagement, cela aurait été impossible », reconnaît Nicolas.
Les premiers locataires sont arrivés au printemps 2021. Le loyer mensuel d’une chambre est de 330 € par mois toutes charges comprises, électricité, chauffage, accès à internet… Les travailleurs saisonniers se partagent cuisine, salon/salle à manger et sanitaires.
« C’est une bonne porte d’entrée pour notre territoire : ces jeunes arrivent en se logeant à moindres frais. Et la colocation leur permet de ne pas se sentir seuls, de développer un cercle de connaissances et de nouer des amitiés ce qui, parfois, débouche sur une envie de rester dans la région. »
L’administrateur confesse qu’au début, il a fallu gérer des conflits entre colocataires ou mettre dehors de rares mauvais payeurs. « On n’était pas formés pour cela mais on a appris et désormais tout se passe très bien : on a un entretien au départ, on fait signer une charte de valeurs à respecter. L’ambiance est très bonne une fois qu’ils se sont mis d’accord sur les tours de ménage », rigole-t-il.
Une majorité de moins de 40 ans
Le critère pour obtenir une chambre est d’avoir un contrat de travail ou une promesse d’embauche à proximité. Le bail est de six mois maximum, renouvelable une fois. « On tient à ce que ça tourne, il est très clair que c’est un logement temporaire. »
L’objectif de cet hébergement est aussi de favoriser la sédentarisation de ces travailleurs très recherchés, et ça fonctionne. « Sur la cinquantaine de personnes qui a résidé ici, une dizaine a prolongé son séjour en trouvant un autre logement et certains travaillent toujours sur le territoire ». Récemment, un menuisier et un charpentier qui s’étaient rencontrés à la Soulane se sont installés dans la vallée et ont pris un appartement en colocation. « C’est important parce que cela rajeunit la population », ajoute Nicolas Buyse.
Les locataires ont dans leur grande majorité entre 20 et 40 ans, même s’il y a aussi des personnes plus âgées, comme cette sexagénaire du Var qui travaille dans la petite enfance. Elle a trouvé un emploi dans une micro-crèche et s’est installée à Arreau, commune à 2 kilomètres ; elle est même devenue administratrice de l’association.
Un succès fulgurant
Les saisonniers viennent de toute la France et découvrent souvent la région pour la première fois. Ils travaillent dans des secteurs en tension : hôtellerie/restauration, commerce, tourisme, stations de ski, BTP, artisanat…
Le bouche-à-oreille fonctionne à plein, la demande dépasse largement le nombre de chambres disponibles. « On est complets tout le temps, même en été. Et généralement, dès fin septembre, les chambres sont déjà réservées pour l’hiver. Cela répond à un besoin », se félicite le co-gérant. « Maintenant, ce sont les entreprises qui nous démarchent directement parce que l’hébergement de saisonniers est un gros problème. »
Des stations de ski seraient prêtes à louer toutes les chambres pour l’hiver mais l’association s’y refuse : elle souhaite laisser la porte ouverte aux jeunes qui se débrouillent par eux-mêmes. Seule une chambre est réservée et payée par la propriétaire d’une boutique, ce qui lui permet de proposer un logement à la personne qu’elle cherche à recruter.
Nicolas se réjouit de ce succès. « Au début, on nous a un peu regardés comme des hurluberlus mais aujourd’hui, notre initiative est vue comme une chance pour le territoire. C’est le principe de l’associatif, se regrouper pour essayer de faire ensemble des choses qu’on estime utiles. Et c’est une fierté pour nous de bien utiliser l’argent public. »
Lauréat du budget participatif Montagne en décembre 2019 pour un montant de 80 000 €.
Pour découvrir le site de la Soulane, cliquez ici.
Pour visisiter leur page Facebook, cliquez ici et pour Instagram, c’est par ici.
Si vous souhaitez contacter l’équipe de la Soulane, voici leur mail : [email protected].