Ma vie de Jury de Fredd, le Festival International du Film d’Environnement

Extrait de « La disparition des Lucioles », de Vincent Marie, film lauréat du Jury Citoyen 2025.
À l’occasion du jury citoyen organisé par la Région Occitanie et le festival FReDD, Virginie a visionné et évalué trois documentaires en lice pour l’édition 2025. Entre projections en ligne, échanges avec les réalisateurs et discussions entre jurés, elle raconte de l’intérieur cette expérience de participation démocratique.
Mardi 25 février 2025, 20h30. Diffusion d’Hydros, l’eau, le cycle de la vie.
Rendez-vous nous est donné à 20h30 en visio, pour découvrir mon premier documentaire sur les trois sélectionnés : Hydros, l’eau, le cycle de la vie. Dès l’ouverture de la visio, la mosaïque des visages se démultiplie, nous sommes déjà 78 membres du jury connectés. Depuis 2021, date du premier jury citoyen initié par La Région Occitanie et le Festival FReDD, chaque film est projeté deux fois, avec le même modus operandi : inscriptions pour devenir membres du jury citoyen, présentation du documentaire avec le réalisateur, puis visionnage, avant l’échange et le débat. J’apprends via le chat que l’évaluation en ligne sur le site de la région citoyenne est ouverte. Nous devrons évaluer les films selon une liste de critères précis : pertinence du sujet, qualité de la réalisation, originalité, capacité à convaincre, écriture du scénario. Le film le mieux noté par les membres du jury citoyen sera présenté à l’ouverture du festival à l’automne 2025.
Sur le chat, les questions fusent : « Peut-on voir le film une troisième fois ? Sera-t-il projeté au cinéma ? Que représente la participation citoyenne pour le festival Fredd, et pour les films projetés ici ? ». « Toucher le plus grand nombre de personnes possible, répond le directeur de l’asociation FReDD, qui porte le festival, Antonin Haddad . Et ça marche, puisque depuis le début des projections, tous les départements sont représentés au sein des citoyennes et citoyens membres du jury. » Le chat s’agite à nouveau : « Je suis du Gers », « Ariège ». Je tape à mon tour, « Le Comminges est là ! ».
A l’écran, un visage se détache et prend toute la place, c’est le réalisateur d’Hydros, François Stuck. Bonnet bleu sur la tête, il a un air du commandant Cousteau. « Le projet d’Hydros, c’est de regarder ce qui se fait de bien près de chez nous, et de rappeler que l’eau est un élément central, que l’on partage avec l’ensemble du vivant. »
Le lien viméo pour la projection du film apparait dans le chat. Rendez-vous dans une 1h20 pour échanger. Zoom s’éteint, on se quitte, le film démarre.
Nous sommes dans la Sierra Nevada. Des voix espagnoles, des coups de pelles et de pioches, des hommes et des femmes restaurent des canaux d’irrigation, des acequias. Héritage millénaire de l’époque musulmane, ils sont remis en état pour faire face au changement climatique. Puis on bascule dans les Cévennes. Hélène Soubalet, directrice générale de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité, explique les liens entre la forêt et l’eau, parle de la biomasse, « le fondement de la vie sur terre. ». Nous voilà à Elne, village éponge dans les Pyrénées-Orientales, où l’on « cultive la pluie ». Le film fait un saut à Lille, où les nappes phréatiques sont menacées à cause de l’urbanisation. Entre Elne et Lille, s’engage une réflexion sur l’agriculture urbaine, avec des citoyens qui travaillent ensemble pour avoir un sol vivant. Germain Ntoso Tsimi, professeur de droit à l’université de Yaoundé II, nous rappelle les fondamentaux, « L’eau est un bien commun. C’est un droit de la personne. Il ne peut y avoir d’appropriation de l’eau. ».
Il est 22h30, la séance est terminée. Sur Zoom, les visages réapparaissent un à un. Et les questions s’enchaînent. Je note qu’on a affaire à des connaisseurs. On partage des conseils, des ouvrages. Bénédicte nous invite à participer à un atelier de la Fresque de l’Eau. Corinne écrit « Les labours sont aussi un facteur aggravant +++ de l’érosion des terres par le ruissellement. Il faut miser sur la régénération naturelle ! ». Laurence félicite François Stuck pour avoir « donné la parole aux acteurs de l’hydrologie régénérative qui est vraiment une solution passionnante en relation avec l’agroécologie ! ». Il est 23h, je salue François Stuck dans le chat. Merci pour ce voyage dans le monde de l’eau.
Mardi 4 mars, 20h45. Diffusion de La disparition des Lucioles
Je reconnais des visages, je suis en terrain familier. Dans le chat, on s’active. « Peut-on revoir le film d’Hydros, on l’a raté la semaine dernière ? ». Vincent Marie, le réalisateur de La disparition des Lucioles, prend la parole. « La disparition des Lucioles c’est un voyage dans les ruralités à travers le regard de dessinateurs français. Bonne projection. »
Je connais la musique, direction le lien Viméo. Nous sommes plongés dans l’atelier et l’univers d’Etienne Davodeau, auteur de Rural !, un grand classique de la bande dessinée documentaire. Rural ! raconte l’histoire d’une famille propriétaire d’une exploitation qui va être coupée en deux par une autoroute.
Changement de décor. Voilà Aurélie Castex, dessinatrice, assise sur une chaise, au milieu d’un box. Un tracteur s’avance dans la vaste grange, rentre dans le champ de la caméra, il sera croqué sur la page blanche. Si Aurélie Castex est là, c’est pour raconter l’histoire d’un couple d’éleveurs de vaches laitières. « Ces agriculteurs qui font du bio, à taille humaine, sur un petit lopin de terre, ce sont des héros. Des héros qui entreprennent, sur des parcelles adaptées à leur troupeau. » Ce récit est celui de Terre ferme, écrit par Elise Gruau, qui raconte la transition de cette famille vers l’agriculture biologique.
Le film basculera dans les contreforts des Cévennes, avant de plonger dans les Vosges avec l’artiste Gaetan Nock, auteur de la bande dessinée Les grands cerfs, un thriller écologique. Il nous parle des impératifs de grands rendements auquel est soumis le monde agricole, de l’épandage du lisier toxique, de la disparition des insectes. La disparition des Lucioles poursuit son chemin dans l’univers des artistes qui dressent le portrait du monde paysan, comme Pascal Rabaté, ou Aurel qui raconte la vie de la petite menuiserie paternelle en Ardèche, et l’artiste plasticienne Claudie Hunzinger qui nous plonge dans le monde végétal et animal des montagnes vosgiennes. Vincent Marie a fait le pari que la bande dessinée peut aider à mieux comprendre les enjeux qui se posent « autour des transformations des campagnes. Il faut dire que le neuvième art est un médium adéquat pour documenter la mise en espace, la mise en cases des lieux, des paysages et des territoires. ». Pari réussi.
Mardi 11 mars, 20h45. Diffusion de Vivant parmi les vivants.
Me voilà arrivée à la dernière séance avec le documentaire Vivant parmi les vivants. Dans le chat, on s’interroge, on s’impatiente, « Où est le lien du film, et le mot de passe ? ». Le réalisateur Sylvère Petit est absent, appelé sur une autre manifestation. Le directeur nous félicite, « Vous avez été 650 à vous inscrire pour être membres du Jury ! Toute l’année le festival Fredd sensibilise le public par le biais du film, et ce, depuis 15 ans ! Avec nos partenaires principaux, la Région Occitanie, Occitanie Film, notre volonté commune est de faire avancer les choses, que les citoyens soient les ambassadeurs du festival. ». Un message est posté « Bonsoir, pourrait-on savoir ce que notre sélection va avoir comme incidence sur le festival ? » Il sera projeté à la rentrée, lors de l’ouverture du festival Fredd en octobre 2025. On attend que tout le monde se connecte.
Dans un paysage de western, s’ouvre Vivant parmi les vivants . Des chevaux fouettés par la pluie, la neige, le vent, cadrés au plus près. On croise la route des juments de Przewalski, d’une chienne, Alba, et de Baptiste Morizot et Vinciane Despret, philosophes. C’est un film sensoriel, où l’on pénètre dans la fourrure, et dans la peau du vivant. Les animaux, filmés de face, nous affrontent, nous confrontent, dans une recherche d’altérité. Il y aura des cadavres, un renard et des vautours. Et il y a la ville, filmée à hauteur d’Alba. Quelle place, quand on n’est pas humain ? Vivant parmi les vivants, un grand film philosophique et expérimental sur le rapport au vivant.
Les diffusions sont terminées. Je me rends sur la page d’évaluation du site participatif laregioncitoyenne.fr
Virginie MV